"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

vendredi, juillet 23, 2010

JUIFSULTRAORTHODOXES
ALOMBRE
DUMONDE
Source : lalibre.be en ligne le 23 juillet



Des Juifs contre les lumières
Avec la collaboration du magazine “L’Histoire”


Ultra-orthodoxes, certains Juifs religieux sont tentés par la rupture avec le monde et le strict respect de la Loi. Ce phénomène s’est cristallisé au XVIe et au XIXe siècle face aux défis que constituaient l’émergence de courants modernisateurs au sein même du judaïsme, d’une part, et la marche vers l’émancipation, d’autre part.

Lorsqu’il s’agit d’illustrer un discours sur le judaïsme, les médias, friands d’images simples, choisissent volontiers de montrer quelques Juifs à barbe, avec papillotes et costume noir traditionnel ou quelques Juives portant manches longues, perruque et foulard. Le judaïsme ainsi présenté prend alors facilement des allures de "passéisme" et d’"obscurantisme".

Le tableau est complet quand, à ces illustrations visuelles, se superpose une présentation insistant sur les pratiques alimentaires rituellement autorisées (la kashrout) ou sur le repos absolu du shabat (du vendredi au crépuscule au samedi à la nuit tombée) qui empêche les Juifs de travailler, mais aussi de rouler en voiture ou de répondre au téléphone

A l’inverse, pressentant à raison tout ce qui peut, même involontairement, encourager l’antisémitisme dans un tel discours, certains sont tentés d’y répondre en soutenant que le judaïsme "authentique" serait tout bonnement "immunisé" contre la tentation intégriste. Privé de toute hiérarchie ecclésiastique unifiée, il serait à l’abri du verrouillage institutionnel. Réticent au prosélytisme en direction des "gentils" (les non-Juifs), il renoncerait par principe à l’hégémonie universelle. Et fondé sur une pratique plutôt que sur des dogmes, il chercherait à façonner moins les consciences que les comportements.


De tels arguments portent évidemment à faux et aucun de ces deux stéréotypes ne saurait rendre compte d’une réalité beaucoup plus foisonnante. Le judaïsme contemporain est le produit d’une histoire plurimillénaire complexe, avec ses ressorts internes, mais également tributaire de ses contacts intimes avec le monde non juif dans la Diaspora. Il est naturellement divers, sujet à connaître des crises, et susceptible de développer, dans certains contextes, des réactions "fondamentalistes".

Au temps de l’occupation romaine de la Judée, le judaïsme antique illustre déjà cette diversité. Les Juifs se divisent alors sur des questions aussi essentielles que la fonction du culte sacrificiel au Temple de Jérusalem, le statut de la Loi orale face à la tradition écrite, la légitimité des autorités sacerdotales en place, la manière de gérer la situation politique, et en particulier les rapports avec la puissance occupante.

Après l’échec des grandes révoltes juives contre Rome, aux Ier et IIe siècles, c’est finalement une religion de la Loi, de son étude assidue et de sa pratique rigoureuse qui va modeler la vie des communautés juives pendant presque deux millénaires. Le judaïsme rabbinique, qui s’accommode de la sujétion des Juifs aux Nations et projette ses espoirs de restauration dans un avenir messianique indéfiniment repoussé, est cependant loin de parler d’une seule voix. Les conflits d’écoles, les tensions entre maîtres et centres d’érudition, la Palestine et la Babylonie notamment, en témoignent.

Détenteurs d’un savoir transmis oralement de génération en génération et consigné dans les grands corpus de la Mishna et du Talmud1, les rabbins voient leur autorité se heurter à la résistance de milieux tentés par un "fondamentalisme scripturaliste". Ainsi au VIIIe siècle, où ils sont confrontés à l’émergence d’un courant nouveau qui se caractérise principalement par le rejet de la tradition orale et par son attachement à la lettre des écrits sacrés : le karaïsme. Celui-ci devient alors la cible d’une "orthodoxie" rabbinique qui se construit largement contre lui.


Mais alors que le judaïsme médiéval semble pour certains miné de l’intérieur, il est aussi gravement menacé de l’extérieur. En Espagne, la montée de l’intolérance chrétienne, les grandes persécutions de 1391 et la vague de conversions forcées ou spontanées au christianisme qu’elles suscitent créent le problème marrane, de l’espagnol "marrano", terme lui-même dérivé de l’arabe (mahram), où il a plus largement le sens de "ce qui est interdit". Ce mot désigne les Juifs ou descendants de Juifs convertis au christianisme et qui continuent ou sont suspectés de continuer de judaïser. Pour les autorités ecclésiastiques locales, l’influence délétère de ces nouveaux chrétiens insincères semble redoutable.

Paradoxalement, il en sera un peu bientôt de même, aux XVIe et XVIIe siècles, pour les communautés juives de France, de Hollande, d’Allemagne, d’Angleterre et d’Orient appelées à intégrer une foule de marranes fuyant l’Inquisition et désireux de retourner au judaïsme. Ce retour ne se fera pas toujours sans mal. Les marranes, coupés longtemps du judaïsme réel, sont devenus les adeptes d’une "religion marrane" spécifique ou simplement des "esprits forts".

Les communautés d’accueil perçoivent le danger et au XVIIe siècle, les autorités rabbiniques d’Amsterdam lutteront, y compris à coups d’excommunications, contre les opinions "hérétiques" professées par certaines de leurs ouailles, tel le philosophe Spinoza.


L’effondrement du dernier grand bastion de la judaïcité occidentale médiévale, avec l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, contribue de son côté à consacrer, parmi les élites juives orthodoxes, le règne presque sans partage de la kabbale, à savoir l’ensemble des enseignements ésotériques et mystiques du judaïsme.

D’abord accusés d’introduire des doctrines subversives à l’intérieur du judaïsme, les kabbalistes ont réussi à se présenter, face au camp philosophique, comme les tenants d’une authentique orthodoxie. L’essor du courant kabbaliste, à partir du XVIe siècle, ne cessera pas d’être marqué par cette ambiguïté. C’est un kabbaliste, Joseph Karo (1488-1575), qui donne au judaïsme le code de la Loi juive appelé à faire autorité jusqu’à nos jours : le Shoulhan Aroukh ("La Table dressée").

Mais des spéculations kabbalistiques nourrissent aussi le courant messianique le plus dévastateur de l’histoire juive : le sabbatéisme. Il se développe à l’initiative de Sabbetaï Tsevi (1626-1676), originaire de Smyrne en Turquie, qui se proclame le Rédempteur attendu. Son audience est immense à travers la Méditerranée et jusqu’en Europe et son échec, avec sa conversion à l’islam en 1666, laisse subsister au sein du judaïsme ou dans ses marges des tendances qui sont parfois fortement antinomiques et anxieusement traquées par l’orthodoxie rabbinique.

Ebranlées par le dénouement brutal de cette aventure messianique, les masses juives d’Europe orientale cherchent le salut dans un nouveau courant : le hassidisme (en hébreu hassidout, "piétisme"). Fondé en Podolie (une région d’Ukraine) par Israël ben Eliézer (1700-1760), également connu comme le "maître du bon nom [de Dieu]", le hassidisme se développe autour de personnalités charismatiques, les tsadikim, les "Justes", saints thaumaturges intercesseurs de leurs fidèles auprès de Dieu. Il promeut la ferveur, l’enthousiasme, la joie spontanée du simple croyant, capable, dans les plus humbles gestes quotidiens, de contribuer à l’œuvre générale de la Rédemption.


Cette religiosité populaire effraie l’establishment rabbinique, parce qu’elle paraît compromettre les valeurs de l’étude, et que les tsadikim, objets d’un culte "idolâtre", ébranlent son pouvoir. La réaction est vive. En 1772, la communauté juive de Vilna (Lituanie) déclare la guerre à ce qu’elle perçoit comme une secte déviante. L’un des géants de la culture juive de l’époque, Elie ben Salomon Zalman (1720-1797), plus connu sous le nom du "Gaon [éminence] de Vilna", s’engage sans réserve dans la bataille. Exégète méthodique, juriste rigoureux, le Gaon voit dans le hassidisme la menace d’une scission.

Dans la violente lutte qui met désormais aux prises les adeptes du hassidisme et les mitnagdim ("opposants", mitnaged au singulier), tous les moyens, ou presque, sont bons : excommunications, dénonciations aux autorités non juives et arrestations.

D’autres dangers pourtant se profilent qui aboutiront paradoxalement à la constitution d’un front commun de l’orthodoxie. Le mouvement des Lumières juif, la Haskala, naît en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle sous l’impulsion du philosophe Moïse Mendelssohn (1729-1786), à un moment où hommes d’État et intellectuels non juifs s’interrogent sur les moyens d’améliorer la condition juive. Il se diffuse, se transformant et se radicalisant, dans toute l’Europe orientale, travaillant par le biais d’une nouvelle littérature hébraïque, à insuffler l’esprit des temps nouveaux dans les communautés juives.

Modernisation, éducation, sécularisation, dénonciation de la culture du ghetto : tels sont les principaux combats de la Haskala, dont le hassidisme, considéré comme un modèle d’"obscurantisme", est la bête noire.


L’ultra-orthodoxie, elle, refuse la modernité en bloc. L’un de ses hérauts est Moïse Sofer, né à Francfort et rabbin de Presbourg (l’actuelle Bratislava) de 1806 à sa mort, en 1839. Hostile aux réformes éducatives introduites par la Haskala dans ses écoles, redoutant le prix très lourd, sur le plan culturel et religieux, auquel les Juifs risquaient de payer leur émancipation, il érige le Shoulhan Aroukh de Joseph Karo en code définitif et indépassable de l’orthodoxie. Pour Moïse Sofer "toute innovation est interdite par la Torah" (la Loi révélée). A la tête d’une yeshiva (école talmudique) réputée, il devient le chef incontesté des rabbins orthodoxes européens qui s’organisent, entre 1817 et 1821, pour contrecarrer les premiers efforts des partisans de la réforme à Berlin, à Hambourg et à Vienne. Il contribue par son action à creuser le fossé, désormais infranchissable, entre milieux orthodoxes et milieux libéraux.

A la fin du XIXe siècle, l’émergence du nationalisme juif et du sionisme suscitera des oppositions tout aussi virulentes. Le laïcisme des pionniers, leur volonté de faire table rase du passé diasporique, le projet même de libérer les Juifs de la tutelle des gentils, hors de toute intervention divine, et de restaurer en Palestine un Etat juif alors que le Messie n’est pas encore venu, sont perçus comme sacrilèges. A ces ultra-orthodoxes, la naissance d’Israël, en 1948, ouvrira un nouvel horizon.

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