"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

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Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

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de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

mardi, octobre 28, 2008

CAMPAGNE
ELECTORALE
AMERICAINE
Source : phisophie.blogs.liberation.fr
en ligne le 28 octobre



Obama, coqueluche des intellectuels américains
Par Joseph Litvak •


Il faut l’avouer: les intellectuels progressistes américains sont aussi épris de Barack Obama que le sont des millions de leurs compatriotes non-intellectuels. Chez les professeurs universitaires aux États-Unis, l’amour pour Obama, l’Obamamanie, n’est pas moins ardente, ni moins répandue, que chez leurs étudiants.Tomber amoureux, c’est toujours un peu embarrassant —surtout quand on se définit comme professionnel de la raison, de l’analyse, de l’intelligence, et surtout quand on se voue, en tant qu’intellectuel de gauche, à la critique rigoureuse de tout séduction consensuelle, de toute complicité avec l’idéologie (néo-)libérale, de toute médiatisation de la politique.

Que beaucoup d’intellectuels américains soutiennent un candidat démocrate n’a, certes, rien d’étonnant. Ce qui peut néanmoins paraître bizarre, notamment d’un point de vue français, c’est l’intensité de l’attachement de l’intelligentsia états-unienne pour un candidat présidentiel dont les positions sont impeccablement centristes, normales, et prudentes, si respectables, enfin, que Nicolas Sarkozy puisse avoir reconnu en Obama son «copain».

On peut se demander: où sont les vrais intellectuels américains, ceux qui refuseraient tout ce spectacle bruyant qui se prend, à tort, pour une politique digne de ce nom?Il y a pas mal de théoriciens radicaux dans les universités américaines, pas mal de philosophes, de sociologues et de critiques littéraires dans la lignée de la pensée 68. Ces gens-là, ils ne sont pas du tout timides: ils n’hésitent pas à contester agressivement les orthodoxies et les oppressions politiques, sexuelles, économiques et raciales.

Mais on aurait du mal, dans les cercles intellectuels américains de 2008, à entendre le cri, «Elections, piège à cons!», ou à trouver un philosophe important qui dénoncerait, à la manière d’Alain Badiou, ce que ce dernier appelle le «capitalo-parlementarisme» dans laquelle les élections sont impliquées. Bien au contraire: le professorat américain s’intéresse passionnément, même obsessionnellement, à ce qui va se passer le 4 novembre, et surtout à tout ce qui concerne le copain de Sarkozy.
Est-ce qu’il s’agit là, tout simplement, de l’hypocrisie d’une gauche caviar anglophone? Ou est-ce qu’on ne voit, dans cette passion des clercs, qu’un symptôme du fameux charisme d’Obama Superstar, capable d’éblouir même ceux dont la vocation est de ne jamais être ébloui? Ou, encore, est-ce qu’on pourrait proposer une explication moins cynique?Obama n’est pas seulement la coqueluche des intellectuels: c’est un intellectuel lui-même. Voilà l’une des raisons pour lesquelles il a provoqué la haine de la droite.

Il ne faut pas, bien sûr, oublier la part du racisme dans cette haine: pour certains, un Noir à la Maison Blanche serait une blessure narcissique insupportable. Mais ce racisme s’enchevêtre avec une autre haine: la campagne de John McCain et la propagande républicaine actuelle se distinguent par une inimitié extraordinaire, on pourrait dire sans exagérer meurtrière, envers non seulement les intellectuels mais tout ce qui relève de la pensée.
Cette inimitié a des racines très anciennes dans la vie américaine: si elle a commencé bien avant la candidature de McCain, elle ne se limite pas, non plus, au parti républicain.

Mais l’anti-intellectualisme joue un rôle de plus en plus central dans le répertoire républicain depuis les années cinquante, pour ne pas remonter plus loin dans l’histoire américaine: le ressentiment mccarthyste à l’endroit des eggheads (nom qu’on a donné, par exemple, au candidat démocrate de l’époque, Adlai Stevenson) n’est pas mort avec le sénateur McCarthy. Loin de là, ce ressentiment «populiste» n’a fait que s’augmenter dans les dernières années.

Bien qu’on ait peut-être voulu voir en George W. Bush le point culminant de cette trajectoire, il semble qu’on n’en a pas encore atteint le zénith: la colistière de McCain, Sarah Palin, marque une nouvelle étape dans le mépris organisé à l’égard des intellectuels, voire de l’intelligence même. Dans les parodies de Palin (voir les videos désopilantes de Tina Fey), ce qu’on met en valeur, c’est sa ringardise et sa bêtise. Mais le plus effrayant chez elle, c’est la férocité —elle se targue de sa ressemblance à un pitbull— de sa colère contre le cosmopolitisme des «élites», la fureur de son étreinte des Joe Six-Pack et des hockey mom, citoyens et citoyennes exemplaires qu’elle incite à punir les méchants intellos.

Quand on crie «tuez-le» à propos d’Obama, lors d’un des rassemblements récents de Palin, c’est l’expression hideuse d’une violence raciale qui ne s’enferme pas dans le passé américain. John McCain a voulu l’écarter comme un accident, une éructation sans importance, venue de la «frange». Mais ce qu’on entend également dans ce cri obscène, mêlé avec la rage raciste, c’est quelque chose qui est aussi typiquement américain: c’est la voix vengeresse d’une rancune qui veut en finir avec l’intellectuel une fois pour toutes.Sarkozy, on le sait bien, n’aime pas non plus les intellectuels. (Ce n’est pas l’intellectualité d’Obama, il faut deviner, qu’apprécie le président français.) Mais j’ai l’impression que, même aujourd’hui, l’intellectuel (ou du moins l’image de l’intellectuel) fait partie d’une certaine idée du patrimoine français. Aux États-Unis, par contre, l’intellectuel reste toujours suspect: sinon un «terroriste» (ou, il y a cinquante ans, un «communiste»), quelqu’un d’étrange et d’étranger, quelqu’un qui n’est pas tout à fait américain, pas tout à fait blanc, pas comme Joe le Plombier.Obama même reconnait chez lui un peu de cette antipathie nationale. «Si je regardais Fox News [la chaîne républicaine et pro-McCain], je ne voterais pas pour moi, tu comprends? Parce qu’on me présente incessament comme un monstre! Je suis un progressiste arrogant, politiquement correct, veule, et efféminé qui» —il évoque ici une rengaine de la droite «populiste»— «sirote des cappucinos, qui lit le New York Times, qui conduit une Volvo, et qui ne possède aucune arme. Qui veut quelqu’un comme ça?»

Moi, j’aime bien les progressistes efféminés. Mais ce n’est pas exactement «quelqu’un comme ça» qu’on veut en Obama. Ce qu’on veut, c’est quelqu’un qui puisse aider les États-Unis et le monde entier à sortir des désastres innombrables —des crises économiques, sociales et politiques— infligés par l’administration Bush. Ce qu’on veut, après ce cauchemar, c’est un président américain qui saurait exercer son grand pouvoir de ne pas détruire le monde. Autrement dit, ce qu’on veut en Obama, c’est un intellectuel, même un intellectuel de type libéral. Oui, l’amour est embarrassant. Mais il n’est pas toujours fou.



L'Américain Joseph Litvak est professeur de littérature anglaise et américaine à Tufts University (USA). Son nouveau livre, The Un-Americans: Jews, the Blacklist, and Stoolpigeon Culture, paraîtra chez Duke University Press

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