"LES MUSULMANS ET LE SEXE" de NADER ALAMI Editions GUMUS

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Recueil de Poésie en Hommage à Jenny Alpha

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Couv "LES PLEURS DU MÂLE" Recueil de Slams d'Aimé Nouma Ed Universlam

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CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions

CAMILLE CLAUDEL Naissance d'une vocation parJeanne Fayard Rivages Editions
Sortie en librairie début mai 2013

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE

A LA RECHERCHE D'UNE MEMOIRE PERDUE
de GISELE SARFATI Editions PLUMES et CERFS-VOLANTS

lundi, novembre 27, 2006

PASSERELLE
Source : la newsletter du figaro.fr
datée du 27 novembre

Ce texte a été lu par son auteur
lors de la seconde soirée de soutien à Robert Redeker à Paris.


L'affaire Redeker et la blessure de la liberté

par Alain Finkielkraut,
philosophe.


La France était le pays de Voltaire écrasant l'Infâme. Elle n'était heureusement pas que cela, mais elle était cela aussi. Ces dernières semaines, je me suis anxieusement demandé si la France ne devenait pas le pays où l'Infâme pouvait écraser Voltaire, comme si de rien n'était ou, du moins, avec des circonstances très, très atténuantes.

Pour avoir mis en cause, sans prendre de gants, la violence de l'islam, le philosophe Robert Redeker a perdu la liberté d'enseigner et celle d'aller et venir. Menacé de mort par des fanatiques sans frontières, il vit protégé, c'est-à-dire prisonnier. Cette séquestration épouvantable, cette menace Internet, cette intimidation de la vie de l'esprit, cet affront sans précédent à la souveraineté nationale ont suscité certes des réactions, mais des réactions embarrassées, des réactions timides, un soutien du bout des lèvres à l'homme traqué. On l'a défendu avec les pincettes du dégoût. Tout le monde ou presque a répété que la liberté d'expression était un droit imprescriptible, mais le premier réflexe du ministre de l'Éducation nationale, bientôt relayé par son collègue de la culture, a été de rappeler à ce fonctionnaire effervescent son devoir de réserve, tandis que la Ligue des droits de l'homme jugeait ses idées « nauséabondes » que Le Canard enchaîné se déchaînait contre lui et que l'islamologue Olivier Roy écrivait dans la revue Esprit qu'« on ne peut pas distinguer un mauvais racisme (l'antisémitisme de Dieudonné) d'un bon comme serait celui de Redeker », et surenchérissait en déclarant au journal Libération que « ceux qui s'amusent délibérément à chatouiller la fatwa » ne doivent pas s'étonner des réactions suscitées par leur provocation débile. Quant au journaliste et romancier Gilles Martin-Chauffier, il a lâché la bride au dégoût et écrit ceci : « Il faut être d'une malhonnêteté intellectuelle stupéfiante pour signer une chronique aussi haineuse que celle de Robert Redeker. Et c'est cracher à la figure de la liberté de pensée que de prendre la défense de ce simplet qui ne songe qu'à acquérir la notoriété ouvrant la porte des grands éditeurs. » Afin de ne pas jeter de l'huile sur le feu, on a jeté, à pleines poignées, le discrédit sur le fauteur de troubles.

Moins d'un an après l'affaire des caricatures, on n'a rien trouvé de mieux, de tous côtés, que de lui faire grief d'être caricatural. Il est donc temps et plus que temps de libérer le oui à Redeker du mais qui l'entrave, qui l'étouffe et qui finalement le bâillonne. Si nous ne voulons pas laisser s'instaurer dans l'espace public le règne de l'autocensure, notre soutien doit être inconditionnel. Il n'y a pas de mais qui tienne, car ce mais conduirait demain à expurger les librairies et les bibliothèques d'oeuvres aussi islamiquement incorrectes que Jusqu'au bout de la foi de Naipaul ou Tristes Tropiques de Levi-Strauss.

La critique de l'islam esquissée par Redeker est-elle pertinente ? Ce n'est pas l'invalider, en tout cas, que de vouloir, au nom du Coran, punir de mort celui qui affirme que le Coran est violent. Et quand bien même il aurait tort, son argument n'est pas raciste, contrairement à ce que disent Olivier Roy, la direction actuelle du Mrap et les mouvements vigilants armés, pour nous faire marcher droit, du gourdin de la lutte contre l'islamophobie. Redeker ne s'en prend pas à une communauté, il dénonce ce qu'il croit être l'intolérance et le bellicisme d'une doctrine. Aux esprits férus de justice sociale que sa véhémence indigne parce que cette doctrine est la religion des pauvres, rappelons que la même logique compassionnelle faisait dire à Sartre, en pleine glaciation stalinienne : « Tout anticommuniste est un chien. » Si nous voulons empêcher la victoire de l'Infâme, il faut en finir avec l'idée que ceux qui ont le label de l'humilié, du dominé, du damné de la terre, sont innocents même quand ils sont coupables, et que les « dominants » sont coupables même quand ils sont innocents.

Et puis, on l'oublie trop souvent : la liberté d'expression n'est pas une sinécure. Ce droit de l'homme n'est pas seulement mon droit. L'homme, c'est moi, mais ce n'est pas que moi. L'homme, c'est aussi les autres hommes et leur droit insupportable de dire des choses que je n'ai pas envie d'entendre, des choses qui m'énervent, qui m'effraient, qui me blessent, qui m'accablent, qui m'écorchent vif, qui me font mal. Dans une société ouverte, aucune conviction n'est souveraine, ce qui fait qu'elles sont toutes en colère. « Ma liberté n'a pas le dernier mot, je ne suis pas seul », écrit Emmanuel Lévinas.

Voilà sans doute pourquoi la liberté d'expression est si fragile. Il y a des gens qui ont envie d'être seuls ou, plus exactement, d'être seuls à être. Il nous incombe d'inhiber ce désir, de le vaincre en nous et hors de nous. C'est visiblement une question de vie ou de mort.

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